Ann Guillaume
Auguste Blanqui (1805-1881) : « L’univers se répète sans fin et piaffe sur place. L’éternité joue imperturbablement dans l’infini les mêmes représentations ».
M’inspirer de la philosophie de l’archéologie me permet de m’interroger sur la circulation des formes dans l’histoire de la représentation. La question que je me pose alors est la suivante : l’art se nourrit-il du recommencement et pourquoi ? Qu’est-ce qui exprime le processus de répétition dans l’art ? L’archéologie participe-elle de ce phénomène ? En me fondant sur les écrits de Louis Auguste Blanqui qui, après avoir admis que le temps et les événements se répètent, affirme que « l’heure de nos apparitions est fixée à jamais et nous ramène toujours les mêmes », je me propose en tant qu’artiste mais aussi chercheuse (projet de doctorat en esthétique des Arts avec Laurent Olivier), d’étudier les moyens qui permettent de réactualiser un objet, une pratique ou un geste fossile. C’est par la Ressemblance formelle qui participe du phénomène d’éternisation qu’Aby Warburg a pu figurer la survivance de la forme dans le temps. L’archéologie, elle, donne une seconde vie à l’objet en le restitue au monde des vivants.
Si le mythe de l’éternel retour me permet de croire à l’idée d’avancée esthétique, comment le progrès, synonyme de changement, cohabite-t-il avec la création cyclique que je cherche à démontrer, évoluant dans une continuité répétée ? En résumé je cherche à montrer par mes allers et retours entre la philosophie de l’art, celle de l’archéologie et ses rapports de fouilles que ce qui, à chaque époque, semble le plus moderne, est précisément ce qui est le plus archaïque. Il s’agira donc de mettre au jour les nombreuses strates culturelles et d’expérimenter comment l’histoire des différentes époques fait sens avec le monde contemporain. Quelle forme descend de quelle autre ? Quel modèle pour quel objet ? En effet la notion de copie, comme participant du phénomène de répétition introduit la pratique de l’artiste faussaire comme capteur et acteur du retour des modes. C’est en m’appuyant sur les relations sensibles entre les différentes trajectoires que prend la forme, les réseaux qu’elle crée, les points d’articulations entre les époques, les éventuelles ruptures, que mes recherches questionnent la reprise de la forme. L’ hypothèse de la filiation me sert ainsi à mettre en doute l’idée que l’artiste est maître de sa création (Otto Pächt) au profit de la pensée de Nelson Goodman selon laquelle « pour construire le monde comme nous savons le faire, on démarre toujours avec des mondes déjà à disposition ; faire, c’est refaire ».
Ann Guillaume
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