Auto-archéologie


Principalement entre 1990 et 1996, j'ai réalisé un certain nombre d'assemblages, modifications d'objets et matériaux trouvés, déplacements et dispositions de ces objets et matériaux transformés. Ce processus de transformation permanente, des artefacts et de leurs contextes, s'est accompagné d'une production d'images documentaires, relatives à l'évolution de cet ensemble. Aujourd'hui, seules ces images ont été conservées. Les objets et matériaux ont été abandonnés et ont rejoint un cycle plus vaste de transformation, en dehors de ma sphère d'activité.

L'accumulation des objets/matériaux transformés produit à un moment donné une sorte de stock informe et insignifiant. L'exposition est alors un moment de re-disposition dans le temps et l'espace des éléments accumulés, un temps d'inventaire et de reconsidération des sens possibles, une forme de travail archéologique appliqué à ce qui, conçu dans un passé proche, s'est déjà transformé au point d'avoir perdu son sens. Des ensembles d'assemblages disposés dans l'espace sont alors comme des chantiers de fouilles. ('chaise', 1996, Lorient. 'sans-titre', Auray, 1996)

Ce principe peut être étendu à des dispositifs complexes d'extraction et d'analyse. Ainsi, en 2001, dans le cadre des expérimentations du groupe 'Actions Réseaux Numériques', le dispositif 'Gestion des stocks' aura pour objet d'analyse une portion du stock constitué. Le processus archéologique se veut collectif et distribué. Une interface web permet à des opérateurs distants de piloter les extractions et isolations d'objets et matériaux. Elle permet également de renseigner des fiches d'identification des objets ainsi extraits (voir compte rendu B.Gauguet + docs).

Ce processus global produit de la documentation, formes d'artefacts iconographiques seconds qui renvoient aux artefacts originels souvent détruits et disparus, ainsi qu'aux dispositifs d'analyse, éphémères par nature. Ces artefacts seconds sont eux-mêmes soumis à des processus de transformation auxquels s'opposent des tentatives et logiques de conservation. Ces forces contradictoires ont pour effet d'élargir la boucle de rétroaction de l'analyse possible, qui produira à son tour de nouveaux artefacts (Le catalogue, 2003). À une archéologie des objets/matériaux succède une archéologie des documents, qui sont aussi des objets.

La logique, et la pratique, de l'"auto-archéologisation" apparait dès lors comme un processus simultané de destruction et de production, de remplacement permanent des réalisations par des réalisations secondes qui en sont le reflet, de transformation du système global de la pratique dans le sens d'une mise à distance d'une pratique originelle disparue, mais qui n'en demeure pas moins le point de fuite, au sens perspectiviste, de la pratique actuelle. L'"auto-archéologisation" est une projection, un projet, en ce qu'elle détermine des orientations futures d'actualisations, en s'appuyant sur ce qui est redécouvert du passé.
CatégoriePropriétéValeur
ObjetTypeConcept
Texte
Témoignage
ObjetAuteurYann Le Guennec